[vc_row][vc_column][vc_column_text](Agence Ecofin) – Il y a quelques jours, Isocel a annoncé la première phase du déploiement de son réseau de fibre optique au Bénin. Robert Aouad (photo), son directeur général a accepté de nous donner plus d’explications sur cette nouvelle offre.

Agence Ecofin: Quel est le débit maximal que vous envisagez proposer lorsque l’offre sera lancée ?

Robert Aouad : On peut aller jusqu’à 100 Mbps en descendant comme en ascendant. Je précise que toutes nos offres seront symétriques. La fibre optique permet des débits beaucoup plus importants. Un débit de 100 Mbps servira à satisfaire les très grandes entreprises. Pour une PME, 20 Mbps ou 30 Mbps sont largement suffisants.

AE : Quelle est la fourchette de prix que vous envisagez proposer ?

RA : Nous voulons commencer à 25 000 FCFA par foyer. Après, nous avons des offres à 35 000, 50 000 et 80 000 FCFA qui sont plus pour les petites et moyennes entreprises. Comme nous l’avons annoncé, il y aura des tarifs spéciaux pour les start-up et les projets innovants. Nous aurons aussi des tarifs spéciaux pour tout ce qui est éducation, c’est-à-dire écoles et universités. Cela peut aller jusqu’à 50% du tarif annoncé. En ce qui concerne les grandes entreprises, cela dépend de leurs tailles. Pour une entreprise avec des dizaines ou des centaines d’utilisateurs, nous offrons le très haut débit à 100 Mbps.

AE : Jusqu’à présent, dans les communiqués, il est seulement fait mention de Cotonou. Prévoyez-vous étendre l’offre aux autres villes du Bénin ?

RA : Absolument. Actuellement, nous avons réalisé 20% de la couverture. Du deuxième semestre de l’année 2019 à la fin de l’année, nous aurons entamé les 80% restants. Le déploiement commencera avant la fin de l’année et s’étendra sur tout 2020. Fin 2020, nous aurons couvert une plus grande région. Nous voulons aussi nous étendre progressivement sur d’autres villes du Centre et du Nord du Bénin. Vous savez, le déploiement de la fibre est très coûteux et nous sommes une société qui croît de manière organique. Nous ne sommes pas un grand groupe. Nous étions une start-up il y a 10 ans. Progressivement, nous allons étendre notre couverture et développer cette extension avec l’appui du ministère de tutelle qui a promis de nous accompagner afin de pouvoir fournir nos services dans des localités plus éloignées sans que cela soit discriminatoire à cause de la distance. Quand vous prenez Cotonou-Parakou de 400 kilomètres par exemple, il ne faut pas que la transmission de l’Internet entre ces deux endroits soit un handicap. On devrait pouvoir utiliser le réseau national à des tarifs réduits pour que le consommateur qu’il soit à Cotonou, à Natitingou ou à Parakou puisse avoir la même donnée.

AE : Vous disiez que la fibre optique est très coûteuse et que vous croissez de manière organique. Alors, un projet comme celui-là, comment l’avez-vous financé ?

RA : Nous avons financé une partie, environ 15%, sur fonds propres. Nous avons aussi bénéficié de l’accompagnement de banques, mais notre grande chance est d’avoir pu lever des fonds avec la Banque publique d’investissement de France qui a des programmes spécifiques orientés export. C’est à travers ce programme qu’on a pu lever des fonds parce que nous avons acheté des câbles en fibre optique fabriqués en France. C’est le minimum pour bénéficier du financement du programme.

AE : Sur ce type d’offre impliquant la fibre optique, vous êtes l’un des premiers opérateurs à se lancer au Bénin. Est-ce que vous voyez la concurrence vous emboîter le pas bientôt ?

RA : Déjà, il y a Benin Télécom Service qui propose de la fibre. Nous sommes le deuxième sur le marché aujourd’hui et je pense qu’il y aura d’autres acteurs. On n’a pas l’intention d’avoir le monopole. Ça ne marche plus comme ça ; il faut de la concurrence. Nous tablons sur notre savoir-faire, notre expérience de 10 ans sur le marché et sur la fidélisation de nos clients. Si on a le bon service avec le bon prix, quelle que soit la concurrence, il y aura des clients.

AE : Benin Telecom ne sera-t-il pas, plus ou moins, obligé de s’aligner sur vos tarifs ?

RA : S’il s’aligne sur nos prix, c’est tant mieux pour le consommateur d’où l’idée de la concurrence. Quand vous êtes en position de monopole sur un marché, c’est plutôt mauvais. Il faut toujours plusieurs acteurs pour faire jouer la concurrence et réveiller ceux qui sont là parce que, quand vous êtes en situation de monopole, vous avez tendance à dormir sur vos lauriers car vous vous souciez de préserver votre chiffre d’affaires.

AE : Récemment, on a entendu l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (ARCEP) dire que c’est la politique de pricing des opérateurs majeurs qui l’a obligée à intervenir (pour faire augmenter le coût de la data ; ndlr). Ne craignez-vous pas qu’avec le pricing et la qualité que vous offrez, vous vous retrouviez dans une situation analogue dans quelques années ?

RA : Je ne pense pas que l’ARCEP va augmenter le coût de la data chez les opérateurs fixes parce qu’ils restent un marché très restreint par rapport aux opérateurs mobiles. L’opérateur mobile peut toucher plusieurs millions d’abonnés. Nous, par contre, nous affichons plusieurs milliers d’abonnés. Nous ne sommes donc pas dans la quantité de clients. Pour un peu comparer au football, on dit qu’on ne joue pas dans la même ligue. Je pense que l’ARCEP et les autorités ont compris qu’il y a un besoin. D’ailleurs, la ministre béninoise de l’Economie numérique l’a exprimé lors de la cérémonie présentant notre offre. Elle a dit qu’il faudrait que les réseaux fixes se développent mieux parce que ce sont des réseaux durables qui répondent plus aux attentes des consommateurs. La mobilité est très importante. Elle permet d’avoir accès à tout moment en déplacement mais, quand vous faites le calcul, vous constatez que nous passons environ 70 à 80% de notre temps à l’intérieur (à la maison ou au bureau). Là, on n’est pas obligé d’avoir des connexions mobiles. On peut donc avoir des connexions fixes. C’est un peu ce segment de marché qu’Isocel essaie d’adresser.

AE : L’un des problèmes évoqués par les autorités pour taxer les opérateurs mobiles était la résilience. Est-ce qu’avec le coût engagé avec la fibre optique et les prix que vous proposez, vous pouvez rentabiliser ?

RA : Absolument. En fait, il faut aussi comprendre l’historique des opérateurs mobiles. Ils ont commencé avec la voix et les SMS. Aujourd’hui, avec les OTT, il y a une érosion du chiffre parce que la très grande majorité a aujourd’hui accès à un smartphone et vous voyez le coût des smartphones décliner d’année en année. Récemment, Orange a lancé un smartphone à environ 30 €. Ça devient donc très accessible. Donc, quand vous avez votre smartphone, vous avez tendance à appeler à travers un réseau vocal over the top. Vos messages sont aussi envoyés par les OTT. Le SMS a perdu énormément de parts de marché ainsi que les appels vocaux ; ce qui fait que les opérateurs sont obligés de compenser ces pertes par d’autres moyens. Les deux autres moyens, c’est d’abord la data puis les paiements en ligne mobile money. Voilà un peu le business model de l’opérateur mobile. Lui, il est obligé de facturer au mégaoctet. D’abord, les technologies mobiles : tout ce qui est mobile et radio n’est pas fait pour un usage intensif, ce qui n’est pas le cas des réseaux filaires, surtout la fibre optique parce qu’elle permet d’avoir de gros débits sans problèmes de capacité ou d’occupation de spectre ou de fréquence. Voilà donc la différence. Eux, ils ont besoin de continuer à facturer en mégaoctets. Vous allez continuer à payer des mégaoctets parce que vous en avez besoin. La fibre ne peut pas toujours vous suivre dans votre voiture mais par contre, quand vous êtes dans un environnement fixe, vous pouvez utiliser la fibre et payer moins que ce que vous payez en mégaoctets auprès d’un opérateur mobile, vous faites donc une économie.

AE : Il y a quelques années, vous vous plaigniez d’être en concurrence avec plusieurs gens dont le cœur de métier n’était pas toujours ce segment. Est-ce qu’aujourd’hui avec la fibre, vous n’avez pas les mains libres pour aller de l’avant ?

RA : Tout à fait, nous allons nous adresser aux gens qui avaient besoin d’utiliser des terminaux mobiles pour un usage fixe grâce au partage de connexion. Cela n’aura plus beaucoup de sens pour le consommateur parce qu’il paye, en partageant une connexion mobile, beaucoup plus cher et n’aura pas la même qualité. On reprend donc un peu la place qui est la nôtre. Sur ce segment-là, on va reprendre cette partie de la clientèle. Néanmoins, comme vous venez de le dire, nous ne fournirons jamais la mobilité. Nous allons nous concentrer sur notre cœur de métier qui est le réseau fixe et filaire.

AE : Quand on compare la fourchette de prix que vous annoncez avec les prix pratiqués par les autres opérateurs, on peut prédire qu’il y aura un énorme afflux de la clientèle. Etes-vous déjà prêt à gérer tout cela ?

RA : On espère avoir un énorme afflux mais comme je vous l’ai dit, nous ne tablons pas sur des millions de clients mais plutôt sur des milliers. C’est le début. Dans des pays comme la France, on a des millions d’abonnés à la fibre et nous espérons aussi atteindre des centaines de milliers, voire des millions au Bénin. Déjà, nous sommes en retard puisque les premiers réseaux en fibre ont commencé dans les années 2000 en Occident. Donc, on a au moins quinze ans de retard. Il nous faut peut-être encore 10 à 15 ans pour rattraper ce gap. Pour répondre à votre question, la beauté de la fibre, c’est que dès que les câbles sont posés, vous pouvez monter en puissance. Il suffit d’ajouter des cartes et des logiciels pour pouvoir absorber plus de clients. Nous avons un réseau qui a une capacité d’absorption de 25 000 qui peut monter à 50 000, à 100 000 etc. Nous serons encouragés par la demande. Si nous voyons que la demande existe, nous allons continuer nos investissements.

AE : Vous avez parlé de soutenir l’économie en aidant les petites et moyennes entreprises. Qu’est-ce que vous prévoyez ? Est-ce qu’il y a des offres adaptées aux entreprises béninoises qui demandent de plus en plus de gros volumes de connexion ?

RA : Comme je le disais plus haut, à partir de 35 000, une entreprise pourra avoir une connexion. Après, elle peut passer à 50 000 et à 80 000. Ça reste des tarifs abordables qui génèrent un chiffre d’affaires de plusieurs millions par mois.

AE : En parlant de la création d’emplois, l’installation de systèmes réseaux nécessite une certaine main-d’œuvre. Isocel a-t-elle formé sa main-d’œuvre ou allez-vous recruter des compétences disponibles ?

RA : Nous avions déjà une main-d’œuvre en interne qui a suivi des formations et qui est qualifiée. Néanmoins, nous nouons aussi des partenariats avec des entreprises locales qui vont nous aider à faire des déploiements au niveau des abonnés parce que nous n’en avons pas la capacité. Je pense que nous allons devenir des facilitateurs parce qu’aujourd’hui, quand vous avez un projet qui est basé sur Internet et que vous avez des moyens limités, on pourra vous fournir une bonne qualité de service à des prix abordables. Cela pourra donc améliorer vos performances, agrandir votre projet et vous faire prospérer. Dès que votre activité prospère, vous allez aussi recruter d’autres collaborateurs pour pouvoir grandir. Au niveau de l’éducation, c’est important que les écoles puissent intégrer les nouvelles technologies et l’économie numérique dans leurs programmes parce qu’on parle même d’intégrer le codage comme une matière. Ça fait partie des réalités et pour ce faire, il faut que les écoles et les établissements scolaires de recherches soient connectées.

AE : Avec l’avènement au Bénin du code numérique, les fournisseurs d’accès Internet ont une certaine responsabilité notamment en matière de données personnelles. Quelles sont les précautions que vous avez prises pour protéger les données personnelles des utilisateurs ?

RA : Nous ne communiquons aucune donnée à aucune entité sauf quand il y a un ordre d’un juge ou d’un tribunal en cas d’infraction criarde qui nécessite qu’on divulgue les informations. Nos données sont donc protégées. Tous les mois, nous investissons dans des systèmes de sécurité pour rendre nos réseaux plus imperméables puisque plus la technologie évolue, plus les réseaux sont fragilisés. Je vous avoue aussi qu’il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine-là et ce sont des décisions à prendre au niveau politique pour créer des centres de protection anti hacking, par exemple.

Propos recueillis par Servan Ahougnon[/vc_column_text][vc_row_inner][vc_column_inner][vc_column_text]Source: ecofin[/vc_column_text][/vc_column_inner][/vc_row_inner][/vc_column][/vc_row]